Vous n'êtes pas pressés, hein ?
Parce que j'ai encore des choses à vous raconter sur la Tall Ships...
Alors voilà comment ça s’est terminé pour moi …
Etre pendant plus de 3 jours affectée sur un grand voilier, ça occupe pas mal ! et du coup, lorsqu’il s’agit de le laisser rejoindre la Haute Mer, on se retrouve subitement abandonnée sur le quai avec un grand sentiment de vide, de tristesse… d’inutilité !
Cela, je pense que tous les OL, les uns après les autres l’ont ressenti au fur et à mesure qu’ils quittaient leur bateau.
Instinctivement, nous nous regroupions, histoire de maintenir encore un peu le lien qui nous unissait tous. Nous échafaudions aussi des plans pour tenter de participer le plus possible à la parade, histoire de faire durer le plaisir…
« Il paraît qu’il y a des bateaux qui reviennent ! »
« Ah bon ? ça serait bien qu’ils nous embarquent tous »
« Les navettes nautiques ne pourraient-elles pas nous récupérer ? »
Nos neurones carburaient à plein pour essayer de trouver une solution qui permettrait au plus grand nombre d’entre nous d’assister à la parade…
J’ai retrouvé Pascale, OL de l’EENDRACHT, qui m’a si souvent rendu service durant ces 3 jours. Chaque fois que j’ai eu besoin d’une aide, elle était toujours au bon endroit, comme par magie ! Et là encore , elle allait me faire bénéficier de son bateau…
Dès 14H30, elle m’invite à bord et me fait visiter un peu les lieux, je n’avais pas eu le temps de le faire avant…. Je découvre un voilier très moderne, aux allures de yacht, il impressionne ! Il est si différent de ce que j’ai pu voir jusqu’à ce jour !
Le carré est très bien décoré, on s’y sent à l’aise de suite, accueillant comme un pub !
Pascale me présente au commandant et lui demande si je peux rester à bord (Pauline, OL du Belem, abandonnée sur le quai à 9H30 ce matin… Heureusement qu’on ne m’a pas attachée à un tronc d’arbre pour le départ des grandes vacances !)
Le commandant est extrêmement gentil et m’offre son hospitalité.
Il est d’accord pour que ses 2 OL et moi-même restions le plus longtemps possible à bord, à charge pour nous de convaincre le pilote de nous ramener à terre avec sa pilotine ….
En effet, quasiment tous les voiliers de la darse transatlantique ne peuvent quitter la rade que sous la conduite d’un pilote du port de Cherbourg. Il n’y a que 3 pilotes, et pourtant tout se déroulera dans les temps, avec des départs toutes les 10 minutes ! Chapeau aux pilotes qui ont officié avec célérité sur chaque voilier !
Le départ de l’EENDRACHT est prévu pour 15H55 et à l’heure dite, le pilote monte à bord !
Il déboule comme une tornade ! c’est qu’il en a des bateaux à manœuvrer, ça ne rigole pas !
Emmanuel (l’autre OL du bateau) se tient en première ligne pour parlementer avec le pilote… moment de suspens… va-t-il nous laisser à bord ? ou nous demander de quitter les lieux (auquel cas il eu fallu fissa-fissa rejoindre le PRINCE WILLIAM pour débarquer !)
Malgré son air bougon, et ses répliques :« c’est pas prévu, c’est pas prévu ! »qui nous laisse croire dans un premier temps que la partie ne sera pas gagnée… il accepte que nous restions et nous ramènera avec sa pilotine ! Ouf… ils nous a fait marché… et on a eu chaud !
Le pilote dicte le cap d’un air impérial « Port five !!! » crie-t-il à la jeune fille à la barre ! Elle répond « Port five » et tourne la barre à babord… j’adore ! je ne sais pas pourquoi mais ces « ordres » lancés et répétés me font penser à Mark Twain ! Lorsqu’il s’agissait pour lui d’indiquer au pilote la profondeur du Mississipi !
Tout s’agite à bord, le voilier est un trois-mâts goélette et les voiles principales montent à l’assaut des mâts à une vitesse vertigineuse, le bateau file comme une fusée !
Ça va trop vite ! On ne peut pas tout voir ! à l’avant tout l’équipage s’affaire pour établir la voilure ! Un marin joue les équilibristes au dessus de la barre !
Les quais sont noirs de monde ! Devant nous le POGORIA et tant d’autres! Derrière ceux qui s’apprêtent à nous suivre !
On ne sait plus où regarder ! On voudrait tout capter en même temps ! Nous restons muets (pour ceux qui me connaissent, ils apprécieront l’exploit !) de plus, nous ne voulons pas gêner à la manœuvre, c’est déjà une faveur que de pouvoir ce tenir là, au poste de pilotage !
Nous essayons, nous les t-shirts jaunes parmi les oranges, de prendre le moins de place possible !
L’instant est trop fort et la sensation de vivre un moment unique nous submerge !
Pascale, Emmanuel et moi savons que nous sommes en sursis, il va falloir d’un instant à l’autre quitter le bateau… ça y est le pilote nous donne le signal, vite-vite il faut partir !
Juste le temps de dire un « Bye bye » à la cantonade et de serrer chaleureusement la main du commandant, « Thank you for the gift ! » me suis-je entendu lui dire tandis qu’il me rendait mon sourire !
Allez hop ! descendre par l’échelle de corde sur la pilotine ! Les deux bateaux doivent avoir la même allure, et ça va vite ! Ah j’avais jamais fait ça auparavant, ça ne dure que quelques secondes mais le cœur bât à 100 à l’heure ! La pilotine est toujours restée serrée contre l’EENDRACHT, heureusement, je n’aurais pas aimer la voir s’éloigner à cet instant !
Bon voyage EENDRACHT ! Nos mains s’agitent dans de grands « au revoir » et nous sommes émus…
« Non non, ne nous laissez pas tout de suite à quai ! »… le pilote sourit de mon impertinence ! J’aimerais tant pouvoir rester encore sur l’eau ! Mes camarades aussi apprécient ces instants « bonus » volés à la Tall Ships.. et qui, il faut bien le dire, ne tiennent qu’à la bonne composition de certaines personnes .
Alors ça y est nous filons vers la prochaine destination du pilote et en chemin nous croisons EYE OF THE WIND, GEDANIA, MIR, DE GALLANT, DEWARUCI…
Nous nous dirigeons vers le Quai de Normandie, où nous attend le SAGRES. Notre pilote monte à bord et immédiatement, comme s’il venait de donner un signal invisible, les matelots grimpent rapidement sur le mât de misaine, tel un essaim d’abeilles !
Nous sommes aux premières loges, contre la coque du SAGRES ! Moment magique !
Puis c’est le retour (rapide !) vers le quai de France. La pilotine nous ramène « à bon port », nous prenons congé et remercions les personnes qui nous ont ainsi véhiculés.
Les escaliers sont noir de monde, on ne sait où poser les pieds… pas le moment de plaisanter et de nous pousser à la baille !
Ça y est nous sommes tous les trois sains et saufs…mais à terre !
Pour nous la Tall Ships c’est terminé !… Soupir !
En marchant le long du quai, nous retrouvons PRINCE WILLIAM qui s’apprête à partir…
David (OL du voilier) est quelque peu désemparé lui-aussi de voir sa joyeuse troupe le quitter. J’étais auprès de lui quand son bateau est arrivé, je suis encore là pour le départ ! La vie est faite de coïncidence. L’un comme l’autre nous avons préféré l’arrivée !!!!
La foule nous englouti, nous les OL désœuvrés…devenus simples badauds.
Un goût amer dans la bouche, pas seulement du à la canicule…
Encore merci à tous ceux qui ont eu la gentillesse de nous faire partager ces moments d’exception et en particulier au pilote et navigants de la pilotine.
Pour beaucoup d’entre nous c’était une première expérience en tant qu’Officier de liaison…
Apparemment, cela ne sera pas la dernière !
Amicalement,